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Laurent Nogatchewsky |
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Newsletter Juillet 2024 |
Bonjour à toutes et à tous,
Récemment, j’ai appris que, durant quelques décennies, les Jeux Olympiques avaient comporté des épreuves artistiques. En effet, entre 1912 et 1948, la littérature et la musique, mais aussi la peinture, la sculpture et l’architecture étaient présentes aux olympiades, car Pierre de Coubertin tenait à voir l’art côtoyer le sport, lors de ces grandes rencontres universelles dont il avait initié la renaissance au début du 20ème siècle. Il y a tout juste cent ans, en 1924, Paris accueillait déjà les J.O. d’été, et les organisateurs avaient pour l’occasion fait appel à de grands auteurs, tels que Paul Valéry, Jean Giraudoux, Édith Wharton ou Maurice Maeterlinck, afin de constituer le jury des épreuves littéraires. En est-il ressorti, me direz-vous, de grands champions de l’écriture ? Pas véritablement me semble-t-il, si ce n’est Henry de Montherlant, mais la démarche d’associer disciplines sportives et artistiques, bien qu’elle puisse être discutable par ailleurs, avait au moins le mérite de célébrer, outre les performances athlétiques, la dimension créatrice de notre humanité. Alors, en guise de clin d’œil à ces joutes littéraires, et pour m’ancrer au cœur de l’actualité du moment, je vous propose aujourd’hui de découvrir les dix poèmes qui ont, à ce jour, obtenu le plus de vues sur ma jeune chaîne YouTube Poésilience, relancée en mars dernier. Mais ici, aucun jury littéraire : l’engouement des internautes pour tel ou tel poème est l’unique critère qui a permis d’établir ce semblant de palmarès. En somme, seul le vote du public compte, comme se plaisent à nous le répéter les présentateurs de bien des émissions à la mode ! D’ailleurs, vous pouvez vous-mêmes faire évoluer ce classement provisoire, en choisissant de lire une vidéo plutôt qu’une autre. Mais, trêve de bavardage… Allons sans plus attendre à la découverte de ce top 10 ! |
En première position, loin devant les autres, on trouve bien sûr le si célèbre poème DEMAIN de Victor Hugo qui débute par ce vers que tout le monde connaît : « Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne ». Dans ce court poème, extrait du recueil Les Contemplations, publié en 1856, l’auteur s’apprête à se rendre, le lendemain-même, sur la tombe de sa fille, Léopoldine, morte noyée à l’âge de 19 ans. Hugo, connu pour être un écrivain extrêmement prolifique, ne publiera aucune œuvre pendant plus de dix ans à la suite de cette disparition. |
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En deuxième position, se place un des poèmes les plus connus de Paul Eluard, LIBERTÉ, faisant partie du recueil Poésie Et Vérité. Eluard dira lui-même de ce long texte, qu’il pensait mettre, au moment où il débutait son écriture, le nom de la femme qu’il aimait tout à la fin du poème. Mais au fur et à mesure, il s’est rendu compte que les mots faisaient place à son désir de liberté et de libération. Ce poème, écrit durant l’été 1941, sera lancé sur la France par avion, l’hiver suivant, en soutien à la résistance contre l’occupation Allemande. |
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En troisième position, voici un poème incontournable de Louis Aragon, IL N'Y A PAS D'AMOUR HEUREUX, inséré dans le recueil La Diane Française, et que Georges Brassens contribuera grandement à populariser, en le mettant en musique en 1953. Aragon écrira ce texte en pleine occupation Allemande, lorsque sa compagne, Elsa Triolet, envisageait de le quitter parce que, résistants tous les deux, il était dangereux pour leur sécurité qu’ils restent en couple, en particulier dans l’éventualité d’une arrestation de l’un ou l’autre. |
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En quatrième position, figure un très court poème d’Arthur Rimbaud, SENSATION, qui fait partie des tous premiers que nous connaissons de l’auteur. Alors à peine âgé de 15 ans, Rimbaud enverra ce texte, accompagné de quelques autres, à un éminent poète de l’époque, car, originaire de Charleville-Mézières, il désirait ardemment rejoindre Paris pour s’immerger au cœur du monde littéraire. Ayant enfin gagné la capitale quelques temps plus tard, il se fera rapidement remarquer par ses outrances d’adolescent insolant et révolté. |
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En cinquième position, apparaît un poème de Paul Verlaine, GREEN, extrait du recueil Romances Sans Paroles, publié en 1874. Ce court poème, l’auteur l’aura très certainement écrit pour sa femme, lorsqu’il espérait retourner dans ses bras, au lendemain d’une nouvelle rupture avec Arthur Rimbaud. Alcoolique, infidèle, et violent avec ses proches, Verlaine était une personnalité complexe, dont la fréquentation ne devait pas être simple, alors même que la plupart de ses poèmes, comme celui-ci, font preuve d’une grande sensibilité. |
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En sixième position, une surprise nous attend, puisqu’un poème relativement peu connu a été plébiscité, RONDEL de Tristan Corbière. Poète presque totalement inconnu de son vivant, il publiera son seul recueil à 28 ans, avant de mourir brusquement deux ans plus tard. S’il n’est pas tombé dans l’oubli aujourd’hui, c’est que les surréalistes feront de Corbière, et son unique recueil Les Amours Jaunes, publié en 1873, une de leurs influences notables, lorsqu’ils apporteront un souffle poétique nouveau au lendemain de la première guerre mondiale. |
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En septième position, on découvre L'HOMME LIBRE ET LA MER, un poème de Charles Baudelaire, extrait du célèbre recueil Les Fleurs Du Mal, publié en 1857. Baudelaire se prendra de passion pour la mer et les rivages exotiques lors du long voyage qu’il effectuera à 19 ans, sur un bateau qui le conduira jusqu’à l’île de la Réunion. Ordonné par son beau-père pour éloigner le jeune poète de ses mauvaises fréquentations parisiennes, ce grand périple enrichira par la suite une grande part de l’œuvre poétique de l’auteur. |
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En huitième position, c’est au tour de Alphonse de Lamartine d’évoquer, avec l’intensité lyrique dont il a le secret, l’amour pour une femme que la mort vient de lui arracher. Grâce à ce long poème, LE LAC, extrait du recueil Méditations Poétiques, publié en 1820, l’auteur deviendra du jour au lendemain, une icône du mouvement romantique balbutiant, au début du 19ème siècle. Plusieurs vers célèbres de ce texte sont gravés sur le sol de l’esplanade qui est dédiée à Lamartine, à Mâcon, sa ville de naissance, où trône d’ailleurs aussi sa statue. |
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En neuvième position, on rencontre Jacques Prévert, avec un poème extrêmement bref, intitulé DIMANCHE, sorte d’épigramme qui, comme toute épigramme, n’est souvent écrite que pour amener au trait d’humour ou d’ironie du dernier vers. Ici, on considérera qu’il s’agit plutôt d’une chute humoristique, le surcroît d’ironie ne peut vraiment exister que parce que c’est précisément moi qui interprète ces vers… Ce bref poème fait partie du recueil Paroles, publié en 1946, qui rencontrera un succès jamais égalé jusque-là pour de la poésie. |
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En dixième position, arrive MIDI, de Charles Leconte de Lisle, poème se trouvant dans le recueil Poèmes Tragiques, publié en 1852, et qui reste un des plus connus de l’auteur. En peignant dans ces vers un paysage écrasé sous la chaleur du soleil à son zénith, Leconte de Lisle se place en observateur privilégié, presque détaché du monde, posture qui fera de lui le chef de fil du mouvement parnassien, dans lequel les poètes prônent une certaine impassibilité, et le refus de l’épanchement sentimental. L’art pour l’art, en quelque sorte. |
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Peut-être que certains d’entre vous se demandent pourquoi, sur YouTube par exemple ou via d’autres supports, je ne mets pas davantage en avant mes propres poèmes. Je crois que, les années passant, la transmission m’apparaît de plus en plus importante et nécessaire, avec l’envie de trouver des approches ancrées dans notre époque, comme, ici, proposer de la poésie en vidéo sur Internet. Durant cinq ans, ce fut le même désir à l’œuvre, avec l’aventure du piano dans la rue, afin de partager mon goût pour la musique classique avec le plus grand nombre. L’écriture et la composition, elles, me semblent exiger une intime foi en ce que l’on fait, en ayant de surcroît l’énergie suffisante pour pouvoir véritablement porter ses créations face au public, deux choses qui me manquent parfois. En outre, contrairement à certains artistes, je reconnais que l’acte de créer n’est pas pour moi un besoin absolu ni une impérieuse nécessité, d’autant que, étant quelque peu perfectionniste, j’avoue que l’écriture d’un poème ou la composition d’une musique me demande une intense concentration, sur une période de temps relativement longue en règle générale. Alors, entre deux moments voués à la création, la démarche de transmettre m’apparaît presque comme une forme de délassement, tout en étant une réelle conviction pour moi. Je me souviens à quel point la découverte de la poésie, procédé unique d’associer en quelques lignes la signification d’un texte, le rythme des vers et la musicalité des mots, a été une révélation, quelques mois seulement après avoir perdu la vue. Sans doute qu’il s’agissait du bon moment : plus jeune, je n’y étais pas sensible, plus tard, elle ne m’aurait peut-être plus touché autant. Ce sont souvent de profondes crises existentielles qui entrouvrent parfois le chemin vers des univers insoupçonnés... |
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Merci à vous toutes et vous tous qui fidèlement continuez de me suivre !
Bien cordialement,
Laurent NOGATCHEWSKY |
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